On se demande souvent pourquoi nos bébés sont "difficiles" lorsqu'on les récupère d'un séjour chez les grands-parents, d'une journée chez la nounou... Ou bien, pourquoi on entend souvent des phrases de ce genre quand bébé passe du temps avec quelqu'un d'autre :
"Avec moi, c’est un amour !"
"Ecoute, franchement, je ne l'ai pas entendu. Il était tout sage !"
"Je l’ai couché sans aucun problème, moi !"
"Il a mangé sans aucune difficulté, il n’y a qu’avec toi qu’il fait le difficile"
"C'est pas possible, tu dois trop le laisser faire !"
"C’est incroyable, dès que tu es là elle devient infernale !"
"C’est parce qu’avec moi, il sait que ça ne marche pas."
"Moi, je ne cède pas, elle a compris tout de suite."
En fait, c'est tout simple... C'est parce qu'avec nous, ils sont ENFIN en totale sécurité !
Alors oui...
Ce n'est pas simple, chez toi, avec bébé. Pas simple parce que tu dois le bercer pour l'endormir. Le bercer pendant 50 minutes... pour qu'il ne dorme que 20 minutes. Puis y retourner parce qu'il pleure. Et y retourner encore parce qu'il a perdu sa tétine. Et y retourner encore, et encore, parce qu'il a besoin d'un câlin. Deux câlins, trois câlins, en pleine nuit. BREF ! Tu décides de confier bébé à mamie/papy/tata, pour prendre un peu de temps pour toi. Tu n'y arrives pas vraiment parce que tu penses sans cesse à bébé (Est ce qu'il a voulu manger ? Est ce qu'il a bien mangé ? Est ce qu'il a réussi à dormir ? Est ce qu'on a SURTOUT réussi à l'endormir ? etc...) Tu rentres de ta virée, avec hâte, pour récupérer bébé. Et on t'annonce que... tout s’est trèèèèès bien passé sans toi. D’ailleurs tout s’est passé bien mieux qu’avec toi ! Bébé a réclamé le lit et s’est endormi tout seul. Sans avoir besoin d'être bercé. Et il a dormi 3 heures !
Non, tu n'es pas une mauvaise mère/un mauvais père... En fait, c’est tout l’inverse !
Nos bébés sont différents quand ils sont avec nous, les parents. Mais surtout, ton bébé est différent quand il est avec TOI. Son comportement change. C'est la théorie de l’attachement. La théorie de l'attachement a été formalisée par le psychiatre et psychanalyste John Bowlby en 1978. Hey oui, ça ne date pas d'hier ! Mais bizarrement, les parents n'en entendent jamais parler. Pourtant, ça aiderait bien pour booster notre confiance en nous quand la patience est au plus bas !
Détaillons un peu...
Il faut savoir qu'un bébé a besoin de développer une relation d'attachement avec ses proches. Il en a besoin pour son développement social et émotionnel. Ces personnes, sont alors appelées "Figures d'attachement". Et ce sont souvent les parents. Puis bébé va choisir inconsciemment une personne comme "Figure d'attachement principale". Cela n'aura rien à voir avec l'amour que porte bébé à cette personne, mais ce sera la personne qui aura pris soin de lui de façon cohérente et continue durant les premiers mois de sa vie. Qu'on se le dise, le plus souvent, c'est la maman. (Je n'ai rien contre les papa, c'est simplement que le plus souvent, c'est la maman qui reste avec bébé, les premiers mois, à la maison). Cette figure d'attachement principale est celle qui s'occupe de l'enfant de façon privilégiée, de façon stable. Elle rassure bébé et lui permet de se sentir en totale sécurité. Parce qu'il sait que cette personne était là, pour lui, depuis le début. Qu'elle a toujours répondu à ses appels et à ses pleurs. Qu'il n'y a pas de doute, elle sera toujours là pour lui. La figure d'attachement principale devient alors le repère de bébé. Il sait qu'il pourra compter sur elle pour se sentir écouté, apaisé, réconforté. Cette figure d’attachement principale reste irremplaçable, spécifique et non interchangeable. En fait, plus la figure d’attachement nourrit ce lien, plus elle remplit (ce que l'on appelle) le "réservoir affectif" de bébé… et plus son cerveau va se développer. Plus ses compétences émotionnelles, sociales et intellectuelles vont se développer. Donc, il y a plusieurs figures d’attachement pour bébé. Mais il établit une hiérarchie inconsciente. Ce qui veut dire que sa figure d’attachement principale sera hiérarchiquement au-dessus des autres. Et, si elle est présente, c'est vers elle que bébé va se tourner en priorité en cas de besoin.
Mais alors, pourquoi ?
C’est tout simplement un réflexe archaïque que possèdent tous les mammifères : ne pas exprimer sa détresse en milieu hostile ou étranger, sous peine de se rendre vulnérable. Hey oui ! Les bébés et les jeunes enfants conservent ce réflexe archaïque. Ce qui fait que, en dehors de leurs figures d’attachement les plus proches, bébé n'osera pas exprimer pleinement son stress, sa tristesse ou sa détresse. (ça fait du bien à entendre, n'est-ce pas ?)
Mais il va être dépendant de moi, non ?!
Et bien non. Plus bébé aura nourrit son attachement, plus ses besoins de proximité seront satisfaits, plus il pourra s'éloigner, en confiance, de sa figure d’attachement pour explorer le monde extérieur. L’attachement amène donc à l’autonomie et non la dépendance.
Ceci explique cela...
Au cours d’une journée de garde, bébé vit plein de choses (découvertes, apprentissages, frustrations, fatigue, manque des parents, grandes joies, etc...). Il accumule alors des tensions qu'il garde en lui, qu'il intériorise. Voilà pourquoi, quand arrive sa figure d'attachement principale, il s'autorise enfin à exprimer ses tensions. Parce qu'elle lui donne toute la sécurité dont il a besoin. Il n'y a que sa figure d’attachement pour continuer à l’aimer inconditionnellement alors qu’il pleure, qu’il crie, qu’il se roule par terre, qu'il se transforme en petit démon… en fait, bébé se décharge. La soupape de la cocotte minute est ouverte ! En fait, bébé s’hyper-nourrit quand sa figure d’attachement principale est là. Il va alors maximiser le temps. Voilà pourquoi il ne veut pas dormir ! (rassuré(e), non ?!) Il veut rester éveiller pour remplir le réservoir. S’endormir devient, pour lui, une séparation ! Mais parfois c'est l'inverse. Bébé ne va s'endormir QUE si sa figure d’attachement principale est là. Dans ce cas, il est en confiance totale, en sécurité sans faille, et il accepte de lâcher prise et de s'endormir. (quel privilège !)
Et alors, que faire ?
Il suffit, en tant que parent, de recharger ce réservoir d'amour. Lâcher prise, se dire que bébé a besoin de tout extérioriser, et qu'il le fait parce qu'il est en confiance. Il faut conserver cette confiance. Alors... à nous les câlins, les bisous, le portage, de l'écoute, les temps calmes en famille, et les petites attentions rien que pour lui. Il est nécessaire de remplir le réservoir affectif d’un enfant dès le matin. En jouant quelques minutes avec lui, par exemple. Afin qu'il soit capable d'encaisser sans crainte toutes les émotions qu'il va vivre durant sa journée d'école, de crèche, ou chez la nounou. Surtout, ne laissez pas leur réservoir affectif à zéro !
Mais ce n'est pas facile à vivre...
C'est difficile parce qu'il faut apprendre à relativiser. A ne pas s'énerver. A rester patient et compréhensif. Bébé ne veut (jamais !) nuire à ses parents. Il ne cherche en aucun cas à les fâcher. Il exprime juste des émotions qui le dépassent, et qu'il ne sait pas gérer, ni contrôler. C'est difficile parce que, quand on récupère bébé après quelques heures de garde, on voudrait profiter d'un moment d'amour et de joie pure. Et qu'il faut, en effet, souvent faire face à tout autre chose. Inutile de se dire qu'il faudrait "redresser la barre", sévir, s'énerver ou laisser bébé se calmer dans un coin. Vous l'aurez bien compris... Et puis, dites-vous que vous êtes privilégié(e). Si si ! Parce que, même si bébé fini par considérer sa nounou comme une figure d’attachement (car elle prend soin de lui régulièrement), il va toujours se décharger en présence de sa maman, sa figure d'attachement principale. Et même si c'est papa qui va le chercher chez la nounou, il va patienter encore un peu sur le chemin du retour, pour lâcher prise dans les bras de sa maman une fois arrivé à la maison. Alors... dites à papa/mamie/nounou/tata de ne plus vous dire "Oh c'est fou comme il te fait tourner en bourrique ! Avec moi il était tout sage." ... et proposez-lui de lire cet article !
... Ne culpabilisez pas… c’est une belle marque de confiance..
Je vous laisse sur une vidéo, un extrait de conférence menée par Isabelle Filliozat :
- âge de Choupette : 9 mois -
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